Propos recueillis par Jérôme Vincent par mail en janvier
2005 |
pour
"http://www.actusf.com" |
Nous :
J'imagine que le dessin est une
passion depuis l'enfance. Y'a-t-il des illustrateurs ou des
images qui vous ont particulièrement marqué dans votre jeunesse
?
Marc Mosnier : Oui. Aussi loin que
je me souvienne, j'ai toujours dessiné. Je passais des heures à
gribouiller des feuilles de papier brouillon au stylo à bille.
Je dessinais dans les bacs à sable, avec un bâton, sur les murs,
partout. Et lorsque je n'avais pas de stylo ou de crayon, je
dessinais dans le vide, avec mon doigt, ce qui intriguait
d'ailleurs beaucoup mon entourage. Bien entendu, je faisais une
boulimie d'images. Tout me fascinait: Les cartes à jouer, les
logos des entreprises peints sur les camions , les publicités ,
le dictionnaire Larousse. Mais c'est un livre scolaire qui a
plus que marqué mon enfance. Il appartenait à mon grand-père. Un
cours de géographie des éditions Mame de 1930. Les villes
européennes, les déserts américains, les pyramides du Nil
étaient dessinées à la manière de l'époque, au trait stylisé et
appuyé avec des a-plats de couleurs douces. La couverture
représentait des marins pêcheurs, sur leur embarcation, de dos,
regardant passer un paquebot. Une vraie merveille. J'ai dû
passer des centaines d'heures à détailler les illustrations et à
les recopier. C'est sans doute ce livre qui a fait naître ma
vocation d'illustrateur.
Nous : Quel
a-t-été votre parcours avant de devenir illustrateur ? Avez-vous
fait une école ou avez pratiqué le dessin en loisir ?
Marc Mosnier : Mon parcours est assez atypique, car bien
qu'ayant toujours voulu faire du dessin mon métier, à 18 ans,
j'ai fait un autre choix, par conformisme, et décidé d'embrasser
la carrière juridique. l'avenir paraissait plus assuré avec un
métier "sérieux". Mes seuls diplômes sont donc des diplômes de
droit.
Nous : A quel moment
vous-êtes vous dit que vous vouliez faire du dessin votre métier
?
Marc Mosnier : Après quatre ans de
fac, quand je me suis rendu compte -un peu tard- que le divorce
par consentement mutuel et la lettre de change n'étaient
vraiment pas ma vocation.
Un ami illustrateur m'a conseillé et m'a aidé à préparer un
dossier. Ca m'a pris deux mois, où j'ai travaillé d'arrache-pied
, enfermé dans ma chambre du soir au matin.
Nous : Quelle a été votre
première commande et comment cela s'est-il passé ? Racontez
nous.
Marc Mosnier : Avec ce dossier sous
le bras, je suis allé frapper à toutes les portes des éditeurs,
au culot. Il en fallait, car quand je repense à ce qu'il y avait
dans mon book, c'était plus que maigre!
Après une trentaine de refus, quelqu'un a accepté de me faire
confiance, et m'a demandé un essai pour des dessins au trait.
C'était le DA de Larousse. J'étais fier et heureux: J'allais
avoir mon nom dans le dictionnaire.
Je suis resté un moment chez Larousse, à faire des dessins au
trait, des préparations pour les cartes de géo... C'est là que
j'ai découvert le monde de l'édition, les illustrateurs, les
différentes techniques, l'aérographe.
Comment réalisez-vous une illustration pour un roman ? Lisez
vous le livre ?
Nous : Vous référez-vous au
personnage principal ? Discutez vous de l'illustration avec
l'auteur ?
Marc Mosnier : Lire le livre est
essentiel. Au cours de la lecture viennent les premières idées,
les images apparaissent dans la tête, spontanément. On peut se
référer au personnage principal, mais pas uniquement. C'est
plutôt l'atmosphère du récit, les décors, quelques scènes qui
font naître une idée d'ensemble. Puis on ferme le livre et on
laisse mûrir. On essaie de trouver une idée forte qui résume au
mieux le message qu'a voulu faire passer l'auteur. Plusieurs
solutions peuvent être envisagées: soit une image-symbole,
simple et forte- Une nature morte, un gros plan sur un visage-
soit une image plus anecdotique, par exemple les héros du roman,
en situation. On peut tout faire en illustration, tout
fonctionne. C'est ça qui est formidable. Il y a mille façons de
traiter une couverture, de l'image composite dans le style des
affiches de cinéma à l'illustration minimaliste. On choisit donc
son "traité" et après acceptation de l'idée par l'éditeur, il ne
reste plus qu'à réaliser la peinture, et à livrer
l'illustration.
En règle générale, c'est avec l'éditeur, et non avec l'auteur
que travaille l'illustrateur. L'écrivain ne découvre
l'illustration qu'une fois le travail réalisé.
Vous oeuvrez pas mal pour les genres de l'imaginaire (fantasy,
fantastique, science-fiction). Est-ce le hasard ou êtes vous un
amateur de ce genre de littérature ?
Le hasard n'existe pas! Ce style correspond à ma nature. Le
fantastique, les créatures surnaturelles, les fées et les
korrigans, c'est mon univers. On est pas Breton pour rien!
Et d'une façon générale, on ne réussit que ce qu'on aime
vraiment.
Oui, je suis un grand amateur de mondes imaginaires.
Nous : Vous travaillez dans
d'autres dommaines comme en Presse et en publicité ? Est-ce des
métiers différents ou travaillez vous toujours d ela même façon
?
Marc Mosnier : Il m'arrive de
travailler dans d'autres domaines, pour la presse en
particulier. Si le traité est différent, l'état d'esprit n'est
pas éloigné. Il s'agit toujours de faire vivre des personnages
ou des objets imaginés de toutes pièces. C'est une excellente
chose pour un illustrateur de varier les styles et les univers.
La diversité a du bon. Après une grosse illustration de
Science-fiction à la peinture, exécuter des dessins au trait à
l'encre de chine est un vrai plaisir. On change de peau, tout en
restant le même!
Nous : Y'a-t-il une
couverture dont vous êtes particulièrement fier ? Et pourquoi ?
Marc Mosnier : The Hollowing, de
Robert Holstock, publié chez Denoël.
Parce qu'une inspiration comme ça, je crois qu'on ne l'a qu'une
fois dans sa vie!
Et aussi parceque l'auteur m'a téléphoné chez moi, de Londres,
pour me féliciter. C'est un peu puéril, mais ça fait très
plaisir.
Nous : Avez-vous un retour
des lecteurs ?
Marc Mosnier : Oui, et aussi des
auteurs.
Se savoir apprécié des lecteurs et des écrivains est la grande
satisfaction de cette profession.
Nous : Et pourquoi pas de la
bande dessinée ?
Marc Mosnier : La bande dessinée
est une autre approche , c'est un art séquentiel qui se
rapproche plus du cinéma. Je reste pour le moment très axé sur
l'illustration; Une seule image pour faire naître une émotion.
Mais effectivement, j'y ai souvent pensé, et je ne dis pas non,
par principe.
Nous : Avec le recul,
quel regard portez-vous sur le monde de l'illustration ? Est-ce
difficile aujourd'hui de faire ce métier ?
Marc Mosnier : L'illustration est
un univers merveilleux. Dessiner, c'est du rêve à l'état pur.
Les conditions dans lesquelles nous exerçons notre métier, en
revanche, c'est autre chose. Aujourd'hui, il est bien évident
que le dessinateur n'est plus en phase avec le monde de
l'édition, plus préoccupé par des impératifs de marketting et de
production à bas coût que par une volonté de mécénat. Le temps
de Norman Rockwell et de Maxfield Parrish semble bel et bien
révolu. L'illustrateur n'est plus considéré comme un artiste
respecté, mais comme un exécutant devant obéir à des contraintes
commerciales. Quant à l'éditeur, lui, il tient souvent plus du
banquier ou de l'agent d'assurance que du littéraire. Ainsi, il
faut se battre en permanence pour imposer sa liberté, se battre
encore et toujours pour obtenir d'être payé raisonnablement.
C'est usant et totalement anormal. Ce genre de problèmes ne
devrait même pas se poser. Beaucoup de mes confrères ont, à
juste titre, un regard désabusé sur la profession. Moi-même,
j'ai été tenté à plusieurs reprises de tout laisser tomber,
lassé d'être confronté à des tracasseries sans aucun rapport
avec la création.
Mais je crois qu'il ne faut surtout pas baisser les bras, ne pas
abandonner. Rien ne remplacera jamais l'illustration de qualité,
le beau dessin, la matière de la peinture. Il y a encore de
vrais éditeurs. Et il n'y a pas de raison pour que cette
médiocrité actuelle dure toujours. Il faut toujours être
optimiste.
Nous : Quels sont vos
projets et vos envies ?
Marc Mosnier : Dans l'immédiat,
publier l'album dont je suis l'auteur. Un conte pour enfants de
sept à soixante-dix-sept ans riche en images féeriques... Mais
je n'en dis pas plus! |