Camille Laurens est agrégée de lettres modernes. Son activité est multiforme. Elle enseigne actuellement à l’Institut d’études politiques de Paris. Elle a publié de nombreux ouvrages, à commencer par quatre romans composant une tétralogie, une « réflexion constante autour du rapport entre la fiction et la réalité, l’illusion et la vérité ». Avec « Dans ces bras-là », elle a obtenu le prix Femina et le prix Renaudot des lycéens. En dehors de son œuvre romanesque, elle approfondit l’étude de la langue et publie des essais. Elle s’intéresse aussi au théâtre et au cinéma pour des adaptations d’œuvres.

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Prix Michel Tournier 2023 Sélection Adulte

« Fille » de Camille Laurens – Gallimard – 2022

Règlement et vote
 

Le livre de Camille Laurens commence par cette phrase : « C’est une fille ». Elle s’applique à la naissance de la narratrice. Elle s’applique encore à la naissance de Gaëlle, sa sœur cadette mort-née. Elle s’applique encore à la naissance de la fille de la narratrice. Elle s’applique une dernière fois à la toute fin du livre dans un contexte tout autre.

Cette phrase est aussitôt suivie d’une seconde phrase : « Une fille, c’est bien aussi » dont la narratrice fait aussitôt remarquer qu’elle aurait pu être remplacée par « Une fille, c’est aussi bien [sous-entendu qu’un garçon] » qui n’a pas exactement le même sens.

Cette différence entre fille et garçon est le sujet unique et central du livre. La citation suivante mise dans la bouche de Figaro (dans « Le mariage de Figaro » de Beaumarchais), « Par le hasard de la naissance, l’un est roi l’autre est berger, le hasard fit la distance, l’esprit seul peut tout changer », résume bien la volonté de l’auteure qui, s’attache à dire les choses de façon la plus concrète possible. En particularisant la situation avec des personnages nommés dans un contexte donné (les années 1960 au début du livre) l’auteure rend compréhensible ce qu’un essai général et abstrait aurait peut-être failli à rendre intelligible. C’est aussi seulement en posant un constat équitable et exhaustif que les choses peuvent être redressées.

L’auteure aspire à s’échapper de l’enfermement social des personnes dans les catégories « fille » et « garçon », pour que soit reconnu une plus grande liberté d’être et de vivre comme l’on souhaite et non tels que la société nous classe, nous étiquette et nous cantonne.

Avec « Fille », Camille Laurens nous enseigne ce qu’est la liberté conquise, sans pour autant abolir les différences et les nuances qui enchantent notre monde et nous invite au respect d’autrui.